Leadership !

On m’a demandé d’intervenir à une session sur le leadership pour présenter la dimension chrétienne. J’ai préféré parler concrètement en posant la question aux participants composés de chrétiens, catholiques et protestants, et de musulmans : « Comment Moïse a été un leader ? » et ensuite « Comment Jésus Christ a été un leader ? ». Pour Moïse, on a remarqué d’abord qu’il avait un but, un idéal : libérer son peuple et que cet idéal pour le réaliser, il s’est appuyé sur la Parole de Dieu. Dès le début il avait le souci de défendre son peuple. Pour défendre un hébreu frappé par un soldat égyptien, il a tué ce dernier et c’est pour cela qu’il a dû s’enfuir au désert. Mais Moïse est passé de la défense d’une personne à la défense du peuple tout entier. Le leadership c’est pour aider tous les autres, ensemble. Moïse avait donc le souci des autres, il a été prophète pour les autres. Ce n’était pas évident pour lui d’être un leader, il le dit lui-même à Dieu : je ne sais pas parler, je bégaie. Dieu lui a dit : « Ton frère Aaron sera à côté de toi et il parlera en ton nom ». Même quand le peuple s’est retrouvé au désert et que Moïse était monté sur la montagne pour recevoir les 10 commandements et faire rentrer son peuple dans l’Alliance d’amour éternel avec Dieu, son peuple lui a fait une idole en or avec les bijoux des femmes pour l’adorer. Ce n’est jamais facile d’être leader. Et Moïse était découragé. Moïse n’a pas été un leader tout seul, il était entouré du Conseil des anciens. Un leader ce n’est pas un dictateur. Il a su unir à la fois, la foi en Dieu et le service du peuple, l’amour de Dieu et l’amour des autres. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toutes tes forces, tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et c’est l’amour du peuple qu’Il veut servir à tout prix qui lui donne la force de continuer. Moïse n’a pas été un leader parfait, il a même douté quand Dieu lui a dit de frapper le rocher pour en faire sortir l’eau et c’est pour cela qu’il n’est pas rentré dans la Terre Promise. Un leader ce n’est pas quelqu’un de parfait mais c’est quelqu’un qui agit en connaissant ses limites.

Comment Jésus a-t-Il été un leader ? D’abord Il ouvre les yeux, Il regarde autour de lui. Il entend le cri de l’aveugle alors que la foule veut le faire taire. Il voit le paralysé à la piscine. Il voit aussi ces pêcheurs, et parce qu’Il les a regardés Il les choisit pour être ses apôtres. Jésus trouve sa force dans la prière. Il passe des nuits à prier. Il a pris d’abord le temps de se former pendant 30 ans avant de partir annoncer l’Evangile. Il ne vient pas pour imposer ses idées mais pour libérer les gens, surtout les pauvres, ceux qui sont persécutés, ceux qui sont humiliés (voir les Béatitudes) (Matthieu 5). Il a pitié de la foule. Et Il va jusqu’à donner sa propre vie pour les sauver. Le leader c’est quelqu’un qui se donne pour ses frères. Jésus Lui, Fils de Dieu, a été exemplaire plus que n’importe quel leader car Il est le Sauveur. Il nous appelle à être leader à sa suite. Il n’a pas voulu travailler seul, Il a choisi des apôtres. Il n’a pas gardé son pouvoir pour lui-même. Il a donné aux apôtres le pouvoir de guérir les malades et de chasser les mauvais esprits. Il travaille toujours en communauté même si les apôtres ne sont pas parfaits et que parfois Jésus est découragé. Il soupire : « combien de temps je vais encore devoir vous supporter » mais Il continue à travailler pour sauver les gens. Jésus est plein de pitié et de miséricorde, Il dit : « Venez à Moi vous qui êtes découragé ». C’est un rassembleur qui connait les gens, qui est bon et qui est capable de pardonner et Il a une vision, Il veut remplir sa mission, que le Royaume de Dieu vienne sur la terre.

Comme exercice pratique, on a réfléchi ensuite à l’Evangile des disciples d’Emaus. Combien d’abord Jésus les rejoint. Il prend le temps de marcher avec eux, ensuite Il les écoute et c’est seulement après qu’Il leur parle, qu’Il leur explique l’Ecriture et enfin qu’Il leur donne

le Pain de la Vie dans l’Eucharistie. C’est une vraie démarche de leader. Nous avons aussi réfléchi à l’histoire du Bon Samaritain. Comme le prêtre et le lévite, Il voit le blessé. Mais Lui est pris de pitié, Il s’approche, Il commence par le soigner. Ensuite il cherche une solution. Il l’amène à une maison de passage. Et comme Il ne peut pas rester lui-même, Il confie la responsabilité au maître de l’hôtel, de soigner ce blessé mais en lui donnant l’argent qu’il faut. Etre leader, c’est responsabiliser les autres mais en leur donnant les moyens et la formation pour qu’ils agissent.

Le leader citoyen : Dans un deuxième temps, Ils ont réfléchi à ce qu’est un leader citoyen. Là aussi, j’ai essayé d’apporter un éclairage, l’éclairage de la foi. D’abord le chrétien est un citoyen. Nous sommes nés avant d’avoir été baptisé. Là aussi nous sommes repartis de Jésus. Jésus a été un bon citoyen. D’abord c’était un travailleur. Ensuite Il a payé l’impôt en demandant à Pierre d’aller à la pêche pour cela. Il a respecté aussi bien ses chefs religieux que les chefs du pays, et même les colonisateurs romains, mais en restant lui-même, sans avoir peur, même pas pour sauver sa vie quand Il se trouve devant Pilate. Au contraire Lui rappelle ses responsabilités en lui disant : « Tu n’aurais aucun pouvoir si tu ne l’avais pas reçu de Dieu » et il n’a pas peur d’affirmer qu’Il est venu pour être le témoin de la vérité.

A ce sujet, nous avons rappelé aussi l’exemple de Jean Baptiste qui n’a pas eu peur de reprocher au roi Hérode d’avoir pris la femme de son frère, et cela lui a coûté la vie. Jésus a une vision : sauver le peuple mais pas comme un chef politique. Pas seulement chasser les Romains, Il vient construire le Royaume de Dieu. Sa vision c’est les Béatitudes : vous les pauvres, les petits, ceux qui sont écrasés auront leur place dans la société. Il est venu construire le Royaume de Dieu sur la terre, un Royaume d’amour, de vérité, de pardon, de justice et de paix (voir la préface du Christ Roi). Il propose à tous un chemin pour construire ce Royaume (Matthieu 32 à 45) : donner à manger à ceux qui ont faim, vêtir ceux qui sont nus et qui sont humiliés, accueillir les étrangers, visiter les prisonniers, guérir les malades. Il faut bien voir que dans tout cela, il ne s’agit pas seulement de faire l’aumône, d’être charitable mais de construire un pays où les malades pourront être soignés, où les petits seront respectés, où les pauvres auront de quoi vivre. Nous avons remarqué que dans le pays il y a des choses qui se font dans ce sens. Pour la santé, la couverture médicale universelle, la prise en charge des personnes âgées, les césariennes gratuites et les soins gratuits pour les enfants de 0 à 5 ans. Les actions contre le chômage des jeunes, le développement du monde rural, les projets pour les femmes, et surtout, la possibilité, au niveau des communes, d’agir davantage grâce à l’Acte 3 de la Décentralisation. Il est donc absolument nécessaire que nous les chrétiens, nous participions à ces efforts. Malheureusement, beaucoup de chrétiens se limitent à la paroisse et la paroisse est centrée sur elle-même. Alors Jésus nous envoie dans le monde entier. Il nous dit comme à Saint Pierre « Va au large » pour être pécheurs d’hommes. Il nous dit que nous sommes le sel de la terre, pas seulement de la communauté chrétienne. Et cela c’est vrai pour tous et depuis le début du monde. Dieu déjà à Adam et Eve : « Remplissez la terre et dirigez-la, protégez-la et organisez-la ». Cela nous demande de travailler dans nos quartiers avec les délégués de quartier avec nos marraines, de travailler avec nos amis musulmans, de participer aux actions des ONG et des différentes associations qui travaillent dans nos quartiers, d’être en lien avec les mairies. Mais il y a des chrétiens qui n’ont jamais parlé avec l’Imam du quartier et qui ne connaissent même pas le délégué de quartier. Nos amicales agissent seulement pour elles et entre elles, sans travailler avec les ASC et autres organisations de jeunes dans le quartier. De même les femmes catholiques se retrouvent entre elles pour faire de bonnes choses mais elles ne travaillent pas ensemble avec

les autres associations dans le quartier. Les jeunes ne sont même pas inscrits à la commission de la jeunesse de la mairie et les femmes non plus à la commission des femmes, et ensuite les chrétiens se plaignent qu’on nous oublie, qu’on n’aide seulement que les autres. Mais si nous sommes absents, comment va-t-on penser à nous. A l’inverse, si notre amicale va voir le chef de quartier en lui disant qu’ils sont prêts à participer à une action de set-setal, celui-ci pourra organiser cette action et appeler tous les jeunes, car il est sûr déjà d’avoir un premier groupe qui travaillera avec lui. C’est cela notre responsabilité de chrétien.

Nous avons noté aussi que l’Eglise nous propose trois lignes d’action cette année, mais des actions qui concernent tous les hommes et tout le pays, il est donc utile de partager la réflexion et d’agir ensemble avec tous ceux qui nous entourent. Egalement au niveau de la foi) avec les musulmans pour la miséricorde (Dieu est Le Compatissant et le Miséricordieux) pour le respect de la création. Dieu a remis la terre à Adam et Eve pour la vie de famille dans la suite du dernier Synode, pour construire la paix en appliquant le message de la Journée Mondiale de la Paix du 1er janvier, etc.

Vous dites : « pour les jeunes, nous avons remarqué qu’ils se limitent beaucoup trop aux actions de la paroisse sans s’engager dans leurs quartiers. Certains ne sont même pas inscrits sur les listes électorales et donc ils ne votent pas, même s’ils sont majeurs. » Mais en plus, c’est que les activités des amicales des jeunes sont très souvent des activités uniquement lucratives ou des fêtes pour s’amuser et gagner de l’argent : des xaware, des nguel, des yendo, des ngonal, des soirées dansantes, des concerts etc. Et ce qui est encore plus grave, c’est que l’argent ainsi gagné n’est pas investi dans des projets, il ne sert pas à aider les nécessiteux, même pas ceux du groupe qui ont des problèmes, il est mangé dans des repas, des fêtes, des sorties, des tees shirt et d’autres uniformes. Ce n’est certainement pas un engagement ni de citoyen, ni de chrétien. Il serait vraiment important de changer tout cela. Pourtant, par exemple dans une chorale, il y a des choristes ou des parents malades, des étudiants qui n’ont pas de quoi payer l’inscription à l’université, des lycéens et des collégiens qui n’ont pas d’argent pour acheter leurs fournitures, et tant d’autres besoins. Mais, en sachant que comme la Caritas, notre aide et nos engagements ne doit pas se limiter à la communauté chrétienne mais s’ouvrir à tous, Jésus nous dit bien : « Vous êtes la lumière du monde ».

On parle souvent d’engagement politique. Tout le monde ne peut pas être un grand politicien mais on peut au moins s’engager dans son quartier au service de la société civile et que la réflexion suivie de l’action, commence par des petites choses, des tours de thé, une équipe de football, un groupe de théâtre, être responsable de classe et tant d’autres possibilités qui s’offrent à nous. La seule chose c’est qu’il faut être convaincu et décidé pour s’engager réellement

A_D  Armel Duteil

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